Les élections démocratiques libres et transparentes
« Puisque l’opinion du peuple constitue le fondement de notre gouvernement, notre objectif principal devrait être de l’informer ; et si je devais choisir entre un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je retiendrais sans hésiter la seconde solution. »
-Thomas Jefferson (francophile et président américain), Paris, France, 1787
Dans la leçon précédente, nous avons évoqué les efforts de certains régimes de saper la démocratie pour rester au pouvoir. Toutefois, il convient de noter que les problèmes et l’abus de nouvelles technologies et de nouveaux médias ne sont pas limités aux démocraties instables ou à celles en transition. Même les pays les plus libres et les plus démocratiques du monde ne font pas d’exception à cet égard. On constate que les informations régionales sont vulnérables aux régimes lointains, et les campagnes de désinformation deviennent de plus en plus sophistiquées. Ceux qui en tombent victime ne se doutent même pas de la vraie source des infos qui apparaissent sans explication sur leurs écrans et leurs réseaux sociaux. On voit, on clique, on accepte, on like, on partage, et cela se propage comme prévu par son auteur. Examinons maintenant deux questions importantes liées à cette situation : d’où vient cette tendance à tout croire et comment peut-on lutter contre ces initiatives louches des puissances étrangères ?
Notons d’abord que la diffusion de propagande est souvent utilisée pour faire circuler ou faire accepter certaines idées idéologiques, politiques ou sociales. La propagande pourrait être également utile pour mobiliser ou intimider les peuples sous occupation. Lors du siège de Paris, en 1870, on a vu l’utilisation de ballons français comme méthode de diffusion. On a lancé des tracts sur les lignes ennemies avec le message suivant en allemand : Paris défie l’ennemi. France, précipite-toi tout entière. Mort aux envahisseurs ! Cinquante ans plus tard, c’étaient les avions qui faisaient tomber des tracts sur Vienne pendant la Première Guerre mondiale. Même stratégie de diffusion pour les guerres suivantes en Allemagne, au Japon, en Corée, au Viêt Nam, en Afghanistan et en Irak. Bien que cela puisse nous sembler anachronique ou bizarre d’être persuadé par une carte postale qui tombe du ciel, le principe n’a pas trop changé depuis 150 ans. Ce qui a changé le plus, c’est sans doute la vitesse et le faible coût de transmettre de la propagande aux quatre coins du globe. De nos jours, on cible beaucoup mieux pour beaucoup moins cher, et trop souvent on ne se pose même pas les questions de provenance ou de crédibilité des contenus partagés sur les plateformes numériques.
Pour mieux illustrer l’ampleur et la pertinence du problème, il suffit d’examiner ce qui s’est produit lors des élections américaines en 2016. Les États-Unis ont découvert, beaucoup trop tard pour certains, que les agents russes ont acheté de milliers de publicités politiques sur Facebook et Twitter. Leur objectif était de polariser le pays et d’influencer les élections en faveur de Donald Trump. Plus remarquable encore, les Russes se sont très bien renseignés dessus – on visait les usagers de Facebook qui avaient indiqué une préférence pour Fox News en leur montrant des contenus sur des sujets très sensibles aux États-Unis, comme la brutalité policière, l’immigration illégale et l’avortement. Il y avait même un message de l’armée de Jésus qui insistait que Hillary Clinton et Satan travaillaient ensemble ! Il s’avère que cette campagne publicitaire a connu un énorme succès, parce qu’il n’existait pas de mécanisme à l’époque pour empêcher ou même identifier cette sorte d’influence étrangère. D’ailleurs, qui aurait pu soupçonner que les Russes cherchaient à semer la discorde chez les Ricains en 2016 ? La guerre froide est terminée depuis très longtemps ! En outre, on ne change pas le dénouement d’une élection en achetant des likes, n’est-ce pas ? En tout cas, c’était la défense originale de Facebook qui cherchait à minimiser son rôle dans cette affaire controversée. Toutefois, il s’agit sans doute d’un problème nettement plus important que ce qu’on en dit. Peu après, Facebook a embauché 3000 employés pour examiner et réviser les contenus discutables sur sa plateforme.
Comment en sommes-nous arrivés à la situation actuelle ? On sait tous que les articles et les médias partagés sur les réseaux sociaux ne se prêtent pas toujours à une analyse approfondie ou objective. Les gens sont souvent crédules et prêts à croire n’importe quel post qui soit partagé par leurs proches. Malheureusement, on ne prend pas le temps de s’interroger sur les faits. Or, pourquoi en est-il ainsi ? Notons que certains font confiance aux nouveaux médias puisqu’ils ont l’habitude de faire confiance aux médias traditionnels. Pourtant, cette façon de raisonner est naïve et dangereuse – la santé d’une démocratie compte sur le fait que ses citoyens soient bien informés. Si on a tendance à accepter la version des faits des journaux traditionnels, c’est sans doute parce qu’il y a très souvent des conséquences considérables quand leur crédibilité est mise en cause. Ceux qui déforment la vérité risquent de perdre leur public et leurs annonceurs, car c’est la crédibilité qui permet la poursuite des opérations médiatiques. La malhonnêteté, même légère, conduit à des problèmes financiers pour les grands organismes de presse. Presque tous les revenus proviennent de la publicité, et la presse traditionnelle ne peut survivre autrement dans ce paradigme auquel nous sommes tous habitués.
De toute évidence, le revers de la médaille, c’est que les lecteurs et téléspectateurs des médias dominants ne sont pas tousprêts à croire n’importe quelle histoire. Alors qu’il est vrai que la malhonnêteté journalistique entraîne de nombreuses conséquences pour les médias traditionnels, cela n’empêche guère la mise en cause constante de l’impartialité de la presse, surtout par un certain président américain. Certes, il existe de bonnes raisons de croire qu’une ligne éditoriale dépend d’une certaine idéologie conservatrice ou libérale. Tout cela est parfaitement documenté en ligne et les cas les plus flagrants sont bien connus. Mais, s’agit-il d’une tempête dans un verre d’eau ou est-ce qu’un grave problème auquel il faudra vite trouver une solution ? Y a-t-il vraiment une épidémie internationale de médias partiaux ?
On est sans doute nombreux à en avoir ras-le-bol des allégations incessantes de fake news ! Ces fausses nouvelles, ou l’infox, s’expliquent par le désir débridé de certains d’obtenir un avantage social, économique ou politique. Il y a également des médias qui accordent un traitement de faveur aux annonceurs importants pour ne pas les perdre. Or, s’il y a une confiance excessive aux nouveaux médias, c’est probablement dû en partie à ce phénomène. Il y a effectivement des gens qui s’appuient trop sur les nouvelles plateformes de l’information parce qu’ils se méfient des organes de presse traditionnels. Bien que ce soit vrai que la prudence s’impose en consommant les infos, et il ne faut surtout pas accepter immédiatement tout ce qu’on lit dans la presse, on doit cependant reconnaître que l’impartialité des nouveaux médias ne pose pas moins de problèmes ! Notons ici que le succès de nos jours, sur ces plateformes numériques, se mesure par le nombre de clics quotidien ! Ce sont justement les clics qui font du fric ! On n’échappe donc pas au problème de crédibilité en changeant de paradigme.
Alors, que faire ? Si on est convaincu de l’importance des infos objectives pour qu’une démocratie demeure saine, il faudra qu’on reste vigilant en permanence. Avant de liker ou de partager des articles (ou des mèmes de l’armée de Jésus !), il vaut mieux prendre quelques minutes de vérifier et de confirmer l’impartialité de la source en question. On ne fait que commencer à comprendre l’ampleur du problème dont nous traitons dans cette leçon, mais nous reconnaissons depuis très longtemps l’importance des informations de qualité pour notre futur et bien-être collectifs. La crédibilité des médias, d’hier ou d’aujourd’hui, reste indispensable au fonctionnement optimal de tout système de gouvernement. Thomas Jefferson nous rappelle à juste titre que l’opinion publique se forme en fonction de ce que nous lisons (en ligne comme ailleurs) et une nation mal informée n’est pas viable à long terme. Restons alors tous et toutes sur le qui-vive, carl’enjeu n’est autre que la santé de notre démocratie.
Quelques questions de réflexion
Quel serait l’intérêt de mettre en cause la crédibilité de la presse lors d’une campagne électorale ou au cours d’une présidence ?
Quelle est la responsabilité des plateformes numériques, comme Facebook, sur lesquelles les fausses nouvelles sont diffusées et partagées ?
III. Tâches pour aller plus loin
Recherchez : Pourquoi le journaliste américain Brian Williams a-t-il été suspendu sans salaire en 2015 ? Que pensez-vous du fait qu’il travaille de nouveau chez NBC ?
Recherchez : François Bugingo était une figure médiatique assez importante au Québec. Pourquoi a-t-il rendu sa carte de presse en 2015 ? Quelles étaient les répercussions de cette affaire internationale ?
Recherchez : Quels sont les sites ou services actuels qui demandent des comptes aux médias malhonnêtes ? Quels outils sont à votre disposition pour juger la qualité des contenus partagés en ligne ?
Recherchez : Au cours de l’été 2019, les plus grandes plateformes numériques (Facebook, YouTube, Twitter) ont toutes agi contre une campagne de propagande chinoise sur les réseaux sociaux. Faites des recherches pour mieux comprendre la crise hongkongaise en notant les différences de l’incident américain en 2016.
Stylistique — ressentir, se sentir, éprouver
Pour ceux qui apprennent le français, il est facile de confondre tous les verbes associés aux sentiments. Dans cette leçon on verra des exemples concrets en contexte qui vous aideront à mettre les choses au clair !
Notons d’abord que le verbe « se sentir » est suivi soit par un adjectif soit par un adverbe :
Les électeurs américains se sentent trahis par la société britannique Cambridge Analytica.
De toute évidence, Facebook ne se sent pas mal pour ce qui s’est passé sur sa plateforme.
À ne pas confondre avec le verbe sentir :
l’odorat : ça sent bon dans ce restau / beurk! ça sent le poisson / tu sens bon !
le toucher : pour reconnaître un vrai billet de 20 €, il faut sentir toutes les parties en relief
Il y a également le verbe « ressentir » qui est suivi par un substantif :
L’ancien président ressent de la culpabilité pour la crise humanitaire après la guerre.
Son parti politique ressent de la colère envers les réseaux sociaux.
Le journaliste ressent une grande fierté en regardant son reportage sur les manifestants.
Le verbe « éprouver » est comme « ressentir », mais il est plus fort et plus profond, et il s’agit d’un registre plus soutenu. Prenons comme exemple la tristesse :
Puisqu’elle avait très peu de likesur sa photo de profil, elle ressentait de la tristesse.
La YouTubeuse éprouvait de la tristesse après la fin soudaine et tragique de sa carrière.
Dans le deuxième exemple, on note que la YouTubeuse est mise à l’épreuve, et qu’il s’agit d’un problème beaucoup plus grave que l’histoire de la photo de profil. Notez que les deux verbes restent assez proches.
À vous !
a) Encerclez le verbe correct dans les phrases suivantes :
Les téléspectateurs [ sentent / se sentent ]déçus par l’inaction du réseau de télévision.
On [a ressenti / s’est senti] une grande nostalgie en relisant notre ancien blog.
La vloggeuse [ ressent / se sent ] de la joie en regardant ses vues et revenus pour le mois.
Les deux victimes ont [ ressenti / éprouvé] une dépression majeure après l’incident.
b) En gardant le thème du cours à l’esprit, essayez de formuler trois phrases originales avec les verbes se sentir, ressentir et éprouver.