La magie du son et la réussite des podcasts   

Le son épuré induit un échange très doux, qui permet la découverte de personnages pour lesquels on développe naturellement de l’empathie, avec une parole qui s’écoute vraiment, sans être perturbée par l’image.

 -Catherine, 44 ans, fanatique des podcasts de France Culture 

Le chanteur américain Bruce Woolley croyait voir clairement en 1978 comment les choses tournaient et a déclaré dans son tube classique que « la vidéo a tué la star de la radio ». On ne pouvait croire autrement à cette époque, vu le nombre croissant de téléviseurs dans les foyers et l’arrivée révolutionnaire du magnétoscope. (N’oublions pas la techno-panique de la deuxième leçon qui a suivi cette invention meurtrière !) Peu après la sortie de cette chanson à succès de The Buggles, on a vu apparaître une nouvelle sorte de chaîne de télé : MTV. Pour rappel, le concept même d’une chaîne musicale n’existait pas encore, et MTV a créé toute une industrie en diffusant son premier vidéoclip en 1981. La chanson qui a lancé la chaîne légendaire ? Bien sûr que c’était celle de Woolley, ce qui a sans doute laissé perplexes ses fans dans une ironie superbe et prophétique. La vidéo est ensuite vite devenue le médium par excellence des maisons disques, et la radio semblait déjà démodée et moins pertinente aux yeux de certains artistes. Impossible alors d’imaginer un monde 40 ans plus tard dans lequel la radio demeure mondialement le médium de choix des auditeurs.  

Comment comprendre la popularité de la radio dans l’ère numérique ? Précisons d’abord que ce qu’on appelle de nos jours la radio n’est pas, à proprement parler, limité à l’invention de Guglielmo Marconi. Prenons comme exemple National Public Radio (NPR), un des principaux réseaux de radiodiffusion aux États-Unis. Bien que les émissions de NPR soient diffusées à la radio terrestre en direct à des millions d’auditeurs, les nouvelles technologies permettent de nouveaux modes de consommation des programmes les plus populaires. Il y a notamment la possibilité d’écouter sur demande n’importe où grâce aux smartphones modernes. Certes, dans ce cas il ne s’agit pas de la radio, au sens strict du terme, mais qu’est-ce que c’est alors ? Steve Jobs, visionnaire et ancien PDG d’Apple, a expliqué en 2005 que les podcasts représentent la nouvelle génération de radio. Ce nouveau paradigme permet aux auditeurs d’écouter ce qu’ils veulent quand bon leur semble. Il suffit d’examiner la liste des podcasts les plus téléchargés chez Apple pour comprendre que les émissions des grands organes de presse sont très bien représentées. Quant aux podcasts proposés par les radios traditionnelles, ce sont surtout des replays d’émissions de radio, disponibles à la demande. On peut par exemple écouter Morning Edition de NPR ou La Matinale d’Europe 1 à 20 h du soir, grâce aux podcasts, et expliquer sincèrement aux proches qu’on écoute la radio.  

On a tendance, donc, à confondre des termes lorsqu’on parle de la radio et des podcasts. On écoute parfois la radio à l’antenne (FM), parfois la radio de rattrapage en podcast, ou très souvent, on écoute tout simplement un podcast natif qui n’a jamais été radiodiffusé. En effet, le grand nombre de podcasts dispos en ligne s’explique par le fait qu’on n’est plus obligé de passer d’abord à la radio traditionnelle. Plus besoin, donc, de demander la permission aux anciens gardiens des médias. On a recours directement à la diffusion de masse numérique gratuite grâce à Apple depuis 15 ans. Voici encore l’avantage principal des nouveaux médias et du modèle ascendant souligné dans la première leçon. Il existe un nombre hallucinant de podcasts natifs qui proposent des contenus sonores originaux. Ces derniers dépassent largement ceux qui sont proposés par des radios traditionnelles. D’après les chiffres d’Apple, on a affaire à 30 000 000 d’épisodes de podcast actuellement disponibles en plus de 100 langues différentes.  

Que dirait Woolley, face à cette nouvelle réalité ? Si on revient au sentiment exprimé dans la chanson de The Buggles, on comprend que le souci du chanteur ne concerne pas les créations purement sonores. Examinons un peu les paroles pour y apporter de la lumière. La chanson commence ainsi : « Je t’ai entendu sur mon sans fil en 1952 ; j’étais étendu au lit avec l’intention de t’écouter. » Là, on comprend tout de suite que son regard nostalgique s’oppose à la télévision, et ce qu’il apprécie le plus de la radio correspond bien à l’écoute moderne sans fil d’une émission audio. Woolley ajoute encore de l’évidence à cette interprétation : « Les images sont arrivées et t’ont brisé le cœur ». Le cœur brisé résulte visiblement d’une perte importante aux yeux de Woolley. La star de la radio ne pourrait pas concurrencer aux images captivantes de la star de la vidéo. Or, vu la popularité de nos jours de la diffusion numérique des contenus sans vidéo, on pourrait tirer la conclusion que le pauvre Bruce Woolley s’inquiétait pour rien. Il était historiquement toutefois en très bonne compagnie, comme nous l’avons vu dans des leçons précédentes. On n’a jamais arrêté de faire de fausses prédictions sombres sur l’avenir ni sur le rôle joué par de nouvelles technologies.  

Même avec nos petits écrans qui sont capables de nous amuser pendant des heures avec des vidéoclips en haute définition, on constate une très grande prédilection pour l’écoute. Regardez autour de vous si vous en doutez encore. Au parc, dans le métro, au travail, au gymnase, on voit partout ces fameux petits écouteurs intra-auriculaires. Par ailleurs, les earpods blancs d’Apple (ou des contrefaçons dix fois moins chères) font partie maintenant du paysage culturel international. De toute évidence, les gens sont à l’écoute en France et ailleurs. Il convient maintenant de s’interroger du pourquoi. Pour cette question, on laisse la parole à Charlotte Pudlowski, animatrice du célèbre podcast français Transfert de Slate.fr qui explique : « Et le son, on sait que c’est quelque chose qui crée un lien très intime avec les gens, et d’ailleurs, en France, la radio, c’est le médium dans lequel les gens ont le plus confiance. » D’après Pudlowski, c’est la narration à voix qui permet un rapport hors pair dans lequel l’art traditionnel du récit est mis en valeur. Elle voit donc dans les podcasts un moyen puissant de raconter des histoires et de renforcer la confiance que les auditeurs ont dans les médias. Elle précise : « On est dans un moment, notamment sur internet, où les gens éprouvent une énorme défiance vis-à-vis des médias, vis-à-vis des institutions, vis-à-vis des cadres générales. » Pudlowski estime que la radio, le son et les podcasts rétablissent la confiance avec l’auditeur en créant un lien intime qui n’a pas d’équivalent dans d’autres médias. 

Selon Woolley et Pudlowski, il y a clairement quelque chose de magique dans le son. En écoutant, on laisse aller son imagination et en même temps on se sent moins manipulé par ce qu’on entend. Il y a, pour une raison quelconque, un lien émotif plus fort qui émerge lors d’une écoute des médias purement sonores. Cela permet une appréciation plus importante des auditeurs, tout en établissant un niveau de confiance qui n’existe pas dans les médias visuels. Les « nouvelles technologies » dont Woolley avait peur permettent de nos jours une sorte de renaissance de la radio. La magie de la radio n’a pas disparu, mais comme toute technologie, elle évolue.  





Quelques questions de réflexion 

Pensez-vous qu’il y ait quelque chose de magique dans le son ? D’après vous, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qui explique cette magie ?  

La popularité des podcasts est due en partie aux raisons soulignées dans cette leçon. Mais à part les aspects affectifs des auditeurs, quelles sont les raisons pratiques pour une telle prédilection pour l’écoute ? 


Tâche pour aller plus loin 

Faites des recherches sur « Fleet Street » à Londres pour mieux comprendre le contexte de la chanson. Qu’est-ce qui s’est passé en Angleterre qui a poussé Bruce Woolley à écrire son tube ? 


Stylistique – Soyons précis : évitons les mots passe-partout  

La richesse d’un texte provient des mots précis et adéquats, alors que la faiblesse d’un texte découle souvent des mots répétitifs, insipides ou incolores. Par exemple, il vaut mieux éviter, autant que possible, les verbes comme : avoir, dire, donner, être, faire et trouver. Dès que vous constatez une abondance de tels verbes dans votre texte, c’est le moment de l’enrichir !  C’est d’ailleurs une bonne idée de consulter un dictionnaire ou une liste des synonymes pour ne pas dépendre des mêmes mots lorsque vous vous exprimez ou lorsque vous rédigez un texte.  

Au lieu de dire :  

  • Europe 1 a des dizaines de podcasts disponibles sur demande depuis 2018.  

Reformulez la phrase ainsi :  

  • Europe 1 propose des dizaines de podcasts disponibles sur demande depuis 2018.  

Comparez les exemples suivants et encerclez le verbe plus riche ou précis :  

  • Un français sur dix (affirme / dit) qu’il écoute au moins trois podcasts chaque mois.    
  • Mon cousin a (fait / réalisé) un nouvel épisode de son podcast sur les licornes.  
  • Les journalistes de La Presse et de Radio-Canada ont  
    (eu / remporté) plusieurs prix lors du gala des Grands Prix du journalisme en 2019.  
  • La chanteuse a décidé de ne rien (entreprendre / faire) avant de signer son nouveau contrat.  

À vous !  

En gardant le thème de cette leçon, écrivez une phrase à l’aide d’un verbe « incolore » (avoir, dire, donner, être, faire) et puis reformulez la phrase pour la rendre plus riche.  

modèle (avoir)  

  1. Dans les circonstances, il est normal que cet artiste ait de la peine.   
  2. Dans les circonstances, il est normal que cet artiste ressente de la peine. 

à vous – (dire) 

  1. …  
  2. … 

à vous – (faire)  


Notes bibliographiques et suggestions de lecture  

Marie Claire : Citation de Catherine, fanatique des podcasts de France Culture  
https://www.marieclaire.fr/podcasts-les-bulles-d-intimite-a-emporter,1248718.asp  

News Trotteur : La vidéo n’a pas tué la star de la radio
https://newstrotteur.fr/2019/06/16/la-video-a-t-elle-tue-la-star-de-la-radio-comme-promis-il-y-a-40-ans-alan-cross-analyses-newstrotteur/  

Forbes : Steve Jobs et la nouvelle génération de radio
https://www.forbes.com/sites/montymunford/2018/08/16/steve-jobs-was-right-when-he-said-podcasts-were-the-future-of-audio/#5abb40e02025  

Podmust : C’est quoi un podcast ?  
https://podmust.com/podcast-definition-histoire/  

Charlotte Pudlowski : Le podcast permet de raconter des histoires autrement  
https://www.youtube.com/watch?v=wmTORXsPmP8  

Inside Hook : Entretien avec Bruce Woolley
https://www.insidehook.com/article/music/video-killed-the-radio-star