Sommes-nous tous accros aux nouveaux médias ?
« Les géants des réseaux sociaux doivent arrêter de prétendre qu’ils sont les dieux geek amicaux créant un monde meilleur pour tous, et doivent enfin admettre qu’ils sont juste des producteurs de tabac en t-shirts, vendant un produit addictif à nos enfants. Parce que, soyons honnêtes, vérifier vos likes, c’est la nouvelle cigarette. »
Bill Maher, humoriste, animateur de télévision, lors d’une émission diffusée en mai 2017
Le temps est venu de plonger dans le monde des nouveaux comportements des usagers des nouveaux médias. Commençons par le premier geste de la journée : que fait-on tôt le matin, avant même de quitter le lit ? Naturellement, on tend le bras pour attraper notre smartphone, d’abord pour désactiver le réveil, et ensuite pour faire un petit tour rapidos sur les réseaux sociaux. Il y a également le besoin (ressenti) de confirmer qu’on n’a pas d’appels ou de textos reçus pendant la nuit. Cette première consultation matinale fait sans doute partie de notre FOMO, ou la peur constante de manquer quelque chose d’important. Lors d’une journée typique, les jeunes (16 – 30 ans) passent environ 3,2 heures par jour sur leur smartphone, et arrivent à déverrouiller ces appareils entre 50 et 90 fois par jour. On accorde donc beaucoup d’importance à rester connecté pendant la journée, et cette connexion reste peu interrompue jusqu’à nos dernières heures de veille. Or, ce désir de rester branché en toute circonstance, est-il un véritable problème ? Y a-t-il de quoi s’inquiéter en ce qui concerne les nouveaux comportements dans l’ère numérique ? Dans cette leçon nous allons examiner ce que ça veut dire d’être accros et pourquoi cette question devrait nous concerner.
Certains déplorent le fait qu’on soit absorbé par ces petits écrans lumineux qui exigent une attention permanente. Lors des réunions pros, des repas amicaux, des rencards foirés, la présence lourde des smartphones se fait sentir par tous. Mais, qu’est-ce qui explique cette connexion permanente ? Pourquoi et comment en sommes-nous venus là ? Et plus important encore, sommes-nous vraiment accros à la technologie, ou s’agit-il simplement d’une belle distraction ? Pour s’interroger sur la question de notre dépendance sur ces appareils, définissons maintenant le terme addiction. Il s’agit surtout d’une conduite régulière et irrépressible qui, malgré des efforts de la personne, finit par créer de graves problèmes dans sa vie. On a affaire donc à un comportement compulsif qui mène à des répercussions négatives. Avec cette définition à l’esprit, il est peu étonnant d’apprendre que les psychologues étudient actuellement la cyberdépendance qui engendre souvent des conséquences néfastes. Pour certains, il s’agit d’une véritable addiction où l’emploi compulsif de la technologie devient un comportement complètement hors contrôle.
Avant d’aborder la question du pourquoi, commençons par les conséquences des nouveaux comportements liés à la technologie. En effet, quels genres de problèmes pourraient vraiment survenir, et qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? Commençons par le danger immédiat de se déplacer lorsqu’on est distrait en voiture ou au moment de traverser la rue à pied. De toute évidence, cela pourrait nous coûter la vie. Ce n’est pas par hasard que le nombre de morts sur les routes en France est en augmentation ces dernières années. Cela coïncide parfaitement avec l’arrivée des petits écrans de poche. Le fait que les conducteurs soient plus distraits que jamais est la raison pour laquelle on voit de nouvelles lois sur la distraction au volant. En France, ce comportement est strictement interdit depuis 2015, et on risque de payer des amendes considérables et de perdre des points du permis de conduire. Il y a même le cas récent, en 2018, du conducteur français condamné à trois ans de prison pour avoir tué un cycliste de 16 ans. Il a renversé mortellement le jeune alors qu’il envoyait des textos au volant. En effet, quelle que soit la tâche, si elle exige notre attention et prudence, il vaut mieux laisser nos écrans hors de portée.
Bien sûr, ce n’est pas toujours une question de vie ou de mort. Dans notre quête de rester connectés plus que jamais au monde et à notre cercle d’amis, beaucoup d’entre nous finissent avec une sorte de déconnexion. Si nos écrans arrivent à attirer notre attention, c’est très souvent au détriment de ce qu’on fait déjà et avec qui on le fait. Cette inattention, qui peut être gênante entre amis, est encore plus insupportable dans les relations amoureuses. D’après des études américaines, plus de 46 % des gens croient que leur partenaire fait plus d’attention à son écran qu’à son couple. On voit dans ces cas que le portable devient l’ennemi du couple, car il provoque des disputes et mène au mécontentement de la relation. Un manque ou même une réduction d’attention envers son couple risque de mettre fin à la connexion qu’on estime la plus importante, celle avec notre conjoint.
Intéressons-nous maintenant au pourquoi de cette dépendance. On peut établir d’importantes comparaisons entre les drogues et les comportements dont on parle. Laurent Karlla (2008) explique qu’on constate chez certains internautes des symptômes de sevrage quand l’accès au web est réduit. Il y a donc un « manque » ressenti, comme si c’était une véritable drogue toxicomanogène. Quant au plaisir ressenti, notons qu’il y a visiblement des effets non virtuels à se connecter sur les réseaux sociaux. Notre cerveau reçoit une nano-dose de dopamine pour chaque LOL, chaque pouce en haut et chaque mème drôle partagé sur ces pages dites « sociales ». Ce neurotransmetteur provoque une réaction de plaisir qui n’est pas forcément anodine. On parle souvent de la « boucle de gratification » numérique dans laquelle on ne voit pas l’heure passer et tout plaisir reçu est soumis à la loi des rendements décroissants. Les internautes s’enlisent dans un cycle qui devient de moins en moins satisfaisant, et duquel ils ont du mal à s’échapper.
Confrontés à l’appel constant des nouveaux médias, avouons ici qu’il s’agit d’un combat inégal et on est mal équipés pour y faire face. Les plateformes numériques sont prêtes à tout pour garder notre attention. Dans un premier temps, il y a ces fameuses pastilles de notification rouges qui s’affichent à la moindre occasion. Même dans les moments exceptionnels où le portable n’est pas déjà à la main, ces alertes font vibrer ou sonner l’appareil pour attirer notre attention précieuse. En outre, le choix de présenter un certain contenu à un certain moment à un certain individu n’est pas fait au hasard. Au contraire, ce sont des algorithmes sophistiqués qui sont conçus à partir des données comportementales qui cherchent à maximiser notre engagement. D’où vient l’importance de « Big Data » qui sert à mesurer quels changements sont les plus prometteurs pour augmenter le temps passé en ligne.
Comme note à juste titre Manuel Diaz, « L’attention va être la nouvelle monnaie de notre économie. » Cette observation semble être déjà le cas. Prenons comme exemple Twitter, qui compte presque 4000 employés en 2018. C’est bel et bien notre attention qui paye tous ces salaires, et pas les abonnements payants. L’objectif principal des plateformes modernes se résume ainsi : prolonger le temps passé sur le site pour afficher un max de publicités pour faire le plus d’argent possible. En plus, une plateforme comme Facebook nous étudie, en nous traitant comme des cochons d’Inde pour mieux comprendre l’engagement des contenus affichés. Si un réseau social fournit le bon contenu au bon moment, on passera un peu plus de temps sur le site, et chaque minute de plus est rentable.
Dans cette leçon nous avons exploré l’idée que les nouveaux médias ont modifié nos comportements quotidiens. Bien qu’on soit nombreux à ne pas comprendre l’ampleur de ces changements, il est de plus en plus évident que nous avons affaire à un nouveau monde plein de nouveaux défis et soucis. Il semble prudent de faire appel à la modération, en prenant les nouveaux médias comme on prend une bouteille de vin. On se bourre la face au risque de subir de grosses conséquences !
Tableau 4 : Les Français branchés en quelques chiffres
| 81 % | des Français utilisent leur smartphone pendant les repas en famille ou entre amis |
| 59 % | des conducteurs français utilisent leur smartphone au volant |
| 66 % | des piétons français consultent leur smartphone en marchant en ville |
| 43 % | des jeunes français disent que l’usage excessif du téléphone provoque des conflits |
Quelques questions de réflexion
Dans quelle mesure les nouveaux médias sont-ils responsables de vos habitudes ?
Pensez-vous que nous soyons plus connectés plus que jamais aux autres, ou s’agit-il plutôt d’une déconnexion de la société ?
Croyez-vous que les nouveaux comportements soulignés dans cette leçon soient malsains ? Pourquoi, ou pourquoi pas ?
Tâches pour aller plus loin
Quelles sortes d’expériences ont été réalisées par les grandes plateformes pour quantifier l’engagement des usagers ? Est-ce que ces expériences vous semblent éthiques ou pas ?
Dans la presse anglophone, on parle de « technoférence » dans nos vies et dans nos relations. Faites des recherches sur internet pour examiner en quoi consiste ce phénomène.
Stylistique – Ramène-moi à l’ère pré-numérique !
Pour ceux qui apprennent le français, il est facile de confondre les verbes suivants : amener, emmener, apporter, emporter. Dans cette leçon on verra des exemples concrets en contexte qui vous aideront à mettre les choses au clair !
Notons d’abord que « amener » et « emmener » sont utilisés principalement pour les gens, les animaux, et les voitures. Les verbes « apporter » et « emporter » sont principalement employés pour parler des objets portables.
| Les gens, les animaux, les véhicules | amener / emmener / ramener / remmener (pour un retour) |
| Les objets inanimés qu’on peut porter | apporter / emporter / rapporter / remporter (pour un retour) |
En plus, il faut faire attention à OÙ vous êtes car la destination est importante pour établir le contexte. Voici quelques exemples :
- J’apporte mon ordi au cybercafé → (objet / pas encore arrivé au cybercafé)
- J’amène mon chien au cybercafé → (animal / pas encore arrivé au cybercafé)
- J’emporte mon ordi puisqu’il est finalement réparé → (objet / on quitte le cybercafé)
- J’emmène mon chien au parc → (animal / on quitte le cybercafé pour aller au parc)
À vous ! – Voici un exemple légèrement modifié de la Bescherelle canadienne. Pouvez-vous faire le bon choix des verbes ?
Un écolier a envoyé le texto suivant :« Mamie, mon bus est coincé dans le trafic, merci d’ (apporter, emmener, amener) maintenant Adrien à l’aréna, je lui (apporte, amène, emporte) là-bas son sac d’équipement. »
Vous hésitez ? Consultez le texte original à http://bescherelle.ca/emmener-et-emporter
Le bon usage !Notez que même les francophones natifs sont nombreux à confondre tous ces verbes, ne vous désespérez pas alors si vous avez du mal à suivre le bon usage souligné dans cette leçon !
Notes et suggestions de lecture
Huffington Post : Citation de Bill Maher sur les réseaux sociaux https://www.huffpost.com/entry/bill-maher-social-media-drug-dealers_n_5916a78ce4b0031e737dd975
Le Figaro : On passe l’équivalent d’une journée par semaine sur notre smartphone
http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2015/11/30/32001-20151130ARTFIG00268-les-16-30-ans-passent-l-equivalent-d-une-journee-par-semaine-sur-leur-smartphone.php
Usbek et Rica : On sera bientôt sur nos smartphones 8 h par jour https://usbeketrica.com/article/on-approche-du-moment-ou-on-sera-sur-nos-smartphones-8-heures-par-jour
Télérama : Accros aux smartphones
https://www.telerama.fr/medias/accros-aux-smartphones-six-lanceurs-dalerte-a-ecouter-de-toute-urgence,n5910961.php
La Radio-télévision belge de la Fédération Wallonie-Bruxelles : Accros aux portables
https://www.rtbf.be/lapremiere/article/detail_sommes-nous-tous-accros-a-nos-smartphones?id=9821851
Cally Romain : Surconsommation et addiction
https://www.fichier-pdf.fr/2014/05/09/cally-romain-internet-marketing-surconsommation-addictions/cally-romain-internet-marketing-surconsommation-addictions.pdf
Le Monde : Les notifications en question http://internetactu.blog.lemonde.fr/2018/03/10/les-notifications-en-questions/
The Conversation : Dopamine et ce qu’on ne vous dit pas sur les réseaux sociaux
http://theconversation.com/ce-quon-ne-vous-dit-pas-sur-les-reseaux-sociaux-87351
Association Prévention Routière : La distraction au volant
http://jamaisseulsurlaroute.fr/la-distraction-au-volant/
Automobile Club : Distraction et inattention au volant https://www.automobile-club.org/actualites/securite-routiere/distraction-et-inattention-au-volant
Tonight Montauban : Cycliste tué dans le midi
http://tonight-montauban.fr/tarn-et-garonne-prison-ferme-pour-avoir-tue-un-cycliste-alors-quil-envoyait-des-sms-au-volant
Psychology Today : Technoférence https://www.psychologytoday.com/us/blog/the-squeaky-wheel/201501/how-cellphone-use-can-disconnect-your-relationship
New York Times : Technoférence https://www.nytimes.com/2016/10/30/style/smartphones-iphone-marriage-husbands-wives-technology.html
Santé Magazine : Quand les smartphones détruisent le couple https://www.santemagazine.fr/actualites/actualites-psycho-sexo/quand-les-smartphones-detruisent-le-couple-190552
Statista : Nombre d’employés de Twitter https://www.statista.com/statistics/272140/employees-of-twitter/
Spread Family : Manuel Diaz
https://www.spreadfamily.fr/le-blog/keynote-manuel-diaz-digitalises/
Services Mobiles : Chiffres sur le marché mobile https://www.servicesmobiles.fr/20-chiffres-sur-le-marche-mobile-a-connaitre-en-2018-38749/
La Chaîne Info : Tous les chiffres du tableau 4
https://www.lci.fr/societe/journees-sans-telephone-portable-10-chiffres-qui-prouvent-que-nous-sommes-accros-a-notre-smartphone-2024614.html
France TV Info : Contrôler le temps passé sur écran https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/nouveau-monde/nouveau-monde-liphone-permet-desormais-de-controler-le-temps-passe-sur-ecran_2922361.html
Le Figaro : Amener versus emmener
http://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2018/02/13/37003-20180213ARTFIG00012-amener-emmener-apporter-ne-faites-plus-la-faute.php
La Bescherelle : Emmener et emporter
http://bescherelle.ca/emmener-et-emporter/